Dry needling et effet sensori-moteur ou « Dry needling equilibration theory » – 1/2
N’en déplaise à ses détracteurs, la littérature sur le « dry needling » commence à s’étoffer et l’hypothèse « neuroscience » évoquée par Cesar Fernandes DE LAS PENAS et Jo NIJS en 2019 est de plus en plus étudiée sur des populations de sujets pathologiques.
Pour rappel dans une publication intitulée « Trigger point dry needling for the treatment of myofascial pain syndrome: current perspectives within a pain neuroscience paradigm », De las penas et Nijs évoquent les effets neurophysiologiques de la puncture d’un muscle avec une aiguille de Dry needling.
Dans cette publication, l’insertion de l’aiguille n’est pas vu uniquement comme une action sur un point trigger mais plutôt comme une action sur les afférences sensorielles qui va entrainer des modifications aux niveaux spinal et supraspinal.
Toujours en 2019, une équipe américaine a publié des articles sur l’impact du dry needling sur le contrôle moteur de la cheville de sujets instables chroniques.
Ces publications issues du travail de thèse de Jennifer Mullins à l’Université du kentucky (encadré par Matt Hoch, chercheur très actif dans le domaine de l’instabilité chronique de cheville) proposent qu’une puncture des muscles fibulaires de sujets instables chroniques de cheville améliore leurs capacités de stabilisation à court terme.
Pour rappel, les sujets instables chroniques de cheville (ICC) ont la fâcheuse habitude de se faire des entorses dans des situations qui sont pourtant relativement simples à gérer d’un point de vue moteur.
Dans son modèle de 2002 (mis à jour en 2019), Hertel propose que les causes de cette instabilité peuvent être multiples (Concept d’instabilité mécanique & d’instabilité fonctionnelle) et qu’un déficit sensori-moteur peut être une des causes de cette situation d’instabilité chronique de cheville.
Par déficit sensori-moteur, nous parlons ici de défaut dans la boucle afférence sensorielle / efférence motrice.
Selon la littérature, les mécanorécepteurs sensoriels situés au sein des ligaments de la cheville, des fuseaux neuromusculaires des muscles stabilisateurs et éventuellement des récepteurs de la peau des ICC pourraient être défaillants et donc engendrer un contrôle moteur inefficace.
Bref, revenons au Dry Needling et au Kentucky… Le postulat des travaux de recherche de J. Mullins est évoqué dans la publication “Dry needling equilibration theory: A mechanistic explanation for enhancing sensorimotor function in individuals with chronic ankle instability”. Elle propose l’hypothèse que lorsque l’on puncture un muscle comme le long fibulaire chez des sujets ICC, leur stabilité devrait être améliorée grâce à une action sur les afférences sensorielles et donc sur la neuroplasticité « maladaptative » présente chez les ICC.
L’auteure nomme ce mécanisme « Dry needling equilibration theory ». (DNET)
Selon elle, la puncture vient modifier l’activité des fuseaux neuro-musculaires au sein du muscle ce qui peut optimiser la calibration neuroméchanique du fuseau neuro-musculaire.
Pour faire simple, une sorte de « RESET » du système sensori-moteur.
Dans le schéma illustrant cette théorie (ci-dessous), l’insertion de l’aiguille dans le muscle (1) entraine une stimulation du fuseau neuro-musculaire (2), ce qui va modifier le signal afférent vers la corne postérieure de la moëlle épinière et ainsi modifier la co-activation entre le motoneurone alpha et gamma. Si on remonte d’un étage, le signal va également être transmis au niveau cortical (3), modifiant les efférences motrices effectuées sur le muscle lui-même (4).
Compte tenu de ces hypothèses, l’impact du Dry needling sur l’activité musculaire et sur le contrôle moteur semble être une piste qui « théoriquement » a du sens…Rendez-vous la semaine prochaine pour la 2ème partie de ce billet. Nous discuterons d’une étude ayant testé cette hypothèse dans une population de sujets ICC.